Le nom de Marcel Fournier reste indissociable du terme fondateur carrefour. Ce Savoyard au regard pétillant rêvait, dès sa jeunesse, de démocratiser l’accès aux biens de consommation. Dans les années 1950, il arpente les allées immenses des supermarchés américains et comprend que la France est prête pour ce choc culturel : des prix affichés en gros caractères, l’absence de vendeurs derrière un comptoir, des chariots où l’on entasse librement ses achats. Rentré à Annecy, il convainc ses partenaires financiers : il faut oser. Le pari est colossal ; la récompense le sera tout autant.
Le 15 juin 1963, quand les portes vitrées de l’hypermarché de Sainte-Geneviève-des-Bois coulissent pour la première fois, Marcel Fournier observe la foule : mères de famille, ouvriers en bleu, étudiants curieux. Chacun découvre un temple de la consommation où l’on peut acheter une perceuse, une baguette et un maillot de bain en une seule tournée. C’est le début d’une épopée industrielle qui, en moins de dix ans, tisse un réseau national ; en vingt ans, s’aventure de l’autre côté des Pyrénées ; puis aborde les plages du Brésil.
Ce qui distingue Marcel Fournier :
- Un instinct d’observateur : repérer les tendances avant qu’elles n’atteignent l’Hexagone.
- Un goût du risque : investir dans des surfaces gigantesques loin des centres-villes, alors que personne n’y croit.
- Un sens social : défendre des salaires plus élevés que la moyenne du secteur pour fidéliser les équipes.
- Un appétit de modernité : adoption précoce du code-barres puis des caisses automatiques.
Au crépuscule des années 1970, Fournier cède les rênes mais demeure administrateur. Il assiste, ému, à l’introduction de la marque en Bourse, puis au démarrage du premier programme d’épargne salariale. Lorsqu’il s’éteint en 1985, le groupe détient déjà plus de 400 magasins et emploie 40 000 personnes. Son héritage ? L’idée que le commerce doit sans cesse se réinventer pour rester accessible : produire mieux, vendre moins cher, sans jamais sacrifier la qualité. Dans les centres de formation internes, son portrait figure encore, rappelant aux nouvelles recrues qu’une vision claire change parfois le cours de l’économie.
No comment yet, add your voice below!